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La Ficelle

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Le LUFF, «s’il vous plait, encore plus de porno gay!»

Du son et des histoires Cynthia Khattar

La Ficelle a rencontré Thibault Walter, l’un des organisateurs du Lausanne Underground Film et Music festival, pour raconter le festival et ceux qui l’ont animé tout au long de ses années.

«Excusez-nous il y a un festival qui vient de commencer au sous-sol» explique un peu gêné l’un des serveurs de la Brasserie de Montbenon à une table de clients curieux de sentir le sol trembler.

Dans le vaste espace de la brasserie, les chansons diffusées d’Al Green et d’Al Jarreau prennent du coup une autre ampleur, habillées de ces inhabituels sons qui émanent de la salle PadeREwski. Juste à côté, le hall a été recouvert de programmes dépliés, d’affiches écrites à la main, et de lampes en confettis. Près des clients de Montbenon un tantinet « chicky micky », une Japonaise déambule en kimono multicolore et cheveux en pétards.

Mélange des genres.
«Les artistes eux-mêmes sont souvent étonnés lorsqu’ils arrivent dans ce décor bourgeois. Le contraste est fort mais c’est ce que l’on souhaite : décloisonner les genres et rendre accessible des cultures de niche». Thibault Walter a crée le Lausanne Underground Film et Music Festival (LUFF) il y a 15 ans avec son ami d’enfance Julien Bodivit. Pour Thibault, l’histoire du LUFF est «une suite de malentendus»:

«Avec Julien, on avait lancé des soirées de projections le jeudi au Tir groupé (à la place du Château là où se situait l’ancienne Ecole de chimie). Sigismond de Vajay, qui organisait des soirées underground, faisait une sélection de films au New York Urban Film Festival (NUFF) (*ndlr: aujourd’hui rebaptisé FILM at Downtown Urban Arts Festival) pour des projections à Vevey. C’est lui qui nous a proposé de demander à l’équipe de la Cinémathèque suisse s’ils seraient d’accord d’organiser un festival à Montbenon. A notre grand étonnement, la réponse a été positive.»

Ils ne pensaient pas que ça durerait, mais chaque année la demande est renouvelée.
«La situation n’est bien sûr plus du tout la même que dans les années 60, aujourd’hui le public reconnaît ce genre.» Parfois même au-delà de ce qu’on pourrait imaginer. «La Loterie romande par exemple nous incite à continuer mais en précisant: s’il vous plait, encore plus de porno gay!»

Le LUFF c’est une famille qui mêle une équipe à 100% bénévole et un public de fidèles qui parfois même viennent d’assez loin. Des artistes viennent aussi en tant que public même s’ils ne jouent pas au festival. Thibault évoque par exemple cet artiste de 80 ans passés qui venaient de subir un triple pontage coronarien et qui a quand même fait le détour par Lausanne pour assister au LUFF. Ces dernières années, le festival attire aussi un public plus jeune et toujours plus nombreux.

De l’extérieur, Thibault reconnaît que le LUFF peut être perçu comme élitiste «mais en fait c’est polyphonique. Il y a autant de la pure déconne que des performances conceptuelles. On cherche à réunir des publics qui ne se rencontrent jamais». Au sein de l’équipe même, pas de discours unique, «on n’est pas toujours d’accord».
Les programmateurs sont choisis pour leur sensibilité: «ils sont artistes eux-mêmes, ils tournent, voient des choses. Cela fonctionne beaucoup au bouche à oreille. Il y a aussi des discussions pendant le festival qui peuvent être déterminantes pour la suite.». Thibault dit recevoir chaque jour des propositions, des projets autant nouveaux qu’anciens. «Il faut équilibrer, et chercher à casser nos propres codes aussi.»

En programmant par exemple pour cette 15ème édition la musique douce et naïve de Klimperei & Madame Patate, l’accueil du public vacillait «entre une écoute hallucinante ou de l’énervement. Cela pousse à l’auto-critique mais aussi à la discussion, et là on est content.»

Autre pari risqué: organiser la venue cette année d’Anal Chang, du duo analsticks, la fameuse Japonaise en kimono, qui sortait pour la première fois de sa vie de son pays. «Des Japonais nous ont dit qu’on était fou, que ça ne marcherait jamais. Elle a plusieurs fois tenté de voyager mais elle a raté trois fois son avion. Je ne parle même pas de ses contre-indications alimentaires qui tenaient sur plusieurs pages!» Défi relevé, analsticks a clos le festival samedi avec une performance à 4h du matin.

Thibault se remémore aussi la venue il y a quelques années de Yamazaki Maso, alias Masonna, pour une performance de 43 secondes!

Mais l’autre grand défi de cette année 2016 aura été d’organiser le festival Kill the silence à Hong Kong. Pas sûr qu’ils réitèreront l’expérience. «Sans équipe technique c’était difficile de faire vraiment ce qu’on voulait.» Et Thibault d’expliquer que depuis l’arrivée du nouveau dirigeant en Chine, Xi Jinping, beaucoup de salles ont fermé, les artistes jouent dans le secret. «En Suisse, on organise le LUFF un peu comme la fête à la saucisse, mais en Chine, vous pouvez risquer votre vie.»

Néanmoins, organiser un festival bruitiste dans un pays allergique aux nuisances sonores peut aussi apporter son lot de complication. Les polices du feu et du commerce veillent. «On a un budget amende prévu chaque année!». La censure n’est pas liée aux artistes eux-mêmes mais aux possibles dérapages dans le public. «Ils font tout pour que le festival n’existe plus».

Et pourtant le LUFF tient bon depuis 15 ans. Au-delà des quelques jours de plongée underground que le festival offre au public, Thibault voit le LUFF comme un outil qu’il faut utiliser. «Si on s’engage comme bénévole c’est qu’on a envie de réaliser quelque chose.» En faisant émerger d’autres festivals ou projets à partir du LUFF, c’est l’objectif.

 
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